Retours d'expériences


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Documentation d'expériences sur des espaces outils numériques


Sous forme d'interviews

Par Nadine Bagué sur une situation d'urgence humanitaire au Kirghizistan

Nadine Bagué est actuellement Responsable pédagogique, à Université de Genève - son profil sur Linkdin
et membre des hacktivateurs que l'on peut retrouver sur Facebook

Le Contexte
Une situation d'urgence humanitaire au Kirghizistan
  • "...il s'agissait d'un fonctionnement managérial dans le cadre d'une urgence humanitaire en 2010 et en lien avec la crise au Kirghizistan qui a eu lieu cette année là. Je suis certaine qu'à l'époque nous n'avions pas conscience de fonctionner en mode collaboratif. Le fait est que c'était le cas... ".

La situation
juin 2010 : mission humanitaire au Kirghizistan
3000 maisons ont brûlé
La mission intervient dans des conditions très rudes mais nous bénéficions d'une flexibilité d'actions de l'organisation

Les Objectifs
Trouver une aide pour les victimes avec la question urgente de la reconstruction des maisons.
Cela a consisté à construire 3000 maisons en 4 mois avant que les conditions climatiques ne deviennent trop extrêmes -> -30° en hiver.
Il était primordial de définir clairement les objectifs et de vérifier qu'ils étaient bien partagés par tous.
le rapport / le bilan sur l'opérationnel est intervenu dans un 2ème temps, ce n'était pas un objectif en soi.

Les moyens
- Le management "humain" de la mission : obtenir le résultat par les gens = valeur ajoutée de l'individu et de son savoir-faire
- Se baser sur le principe de pluridisciplinarité comme outil de travail : le choix a été de mettre ensemble des compétences diverses et transversales sans poser de hiérarchie entre celles-ci.cf méthode Agile : représente un ensemble de “méthodes et pratiques basées sur les valeurs et les principes du Manifeste Agile”, qui repose entre autre sur la collaboration. https://blog.trello.com/fr/methode-agile-scrum-gestion-projet.
- Lʼautonomie des équipes pluri-disciplinaires.
- Le respect des connaissances de chacun.

Les contraintes
La mission a travaillé avec des états majors notamment via skype. Nadine était au siège et les experts (ingénieurs) étaient sur place.
Le siège était là en support

Points de vigilance
Ne jamais perdre de vue la victime
Il était important que tout le monde y croit très fort !
toi tu dis : "on va échouer"
moi je dis : "on va y arriver"
Il était important de vérifier qu'à tous les étages de la hiérarchie : tout le monde était d'accord = enthousiasme collective

Il a semblé essentiel d'évoquer l'ensemble des risques pour commencer en conscience : "on est tous conscient des risques qu'on prend"
Une fois ces risques listés, l'organisation y a travaillé : il s'agissait de "regarder en face comment on peut se planter".
Il était alors important de classifier les catégories de risques en réalisant que " l'identification des égos" représente un élément de risques
il était aussi important d'identifier les risques collectivement > chacun est responsable ce qui a entraîné la réussite est collective.

Quels ont été les clés de la réussite :
  • L'élément confiance qui entraine l'autonomie de décision
  • L'identification des risque et l'incorporation de ceux-ci
  • La situation d'urgence et son importance
  • La réunion de compétences et de passion : cela a fait la différence !

Par David Lerebours sur la méthode de prise de décision au sein de l' École Démocratique de Paris

https://ecole-democratique-paris.org/

L'École Démocratique de Paris c'est quoi ?

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" L'École Démocratique de Paris naît de la profonde conviction que les enfants sont des êtres humains à part entière, dotés de droits et de dignité au même titre que les adultes. De ce parti pris découle la construction dʼun cadre éducatif aux antipodes du paradigme scolaire traditionnel, avec un établissement scolaire libéré des programmes, classes dʼâge et évaluations, où les enfants peuvent définir librement leur parcours dʼapprentissage en choisissant leurs activités et dans lequel ils jouissent du même pouvoir de décision que les adultes"
Source

L'École Démocratique de Paris est conçue sur le modèle de la Sudbury Valley School, une école fondée en 1969 aux États-Unis, Massachussetts.
Celle-ci nous offre, par son exemple et sa littérature aussi abondante qu'inspirante, un témoignage extrêmement concluant sur lʼaptitude de chacun à développer son propre potentiel dans un cadre libéré de tout objectif pédagogique.
Comme décrit dans ce livre ou ces quelques vidéos, les personnes qui sont passées par cette école ont développé des compétences essentielles pour mener une vie épanouie et réussie à tous points de vue.
Conformément au modèle « Sudbury », l'École Démocratique de Paris repose sur 3 principes fondamentaux, qui ne sont pas sans rappeler la devise dʼune certaine république :
  • Liberté : L'auto-détermination des apprentissages
  • Égalité : L'auto-gestion de l'école par l'ensemble de ses membres
  • Fraternité : L'inter-générationnel

" Nous fonctionnons sur le principe 1 personne 1 voix, quel que soit l'âge. Ainsi un enfant de 4 ans a le même poids qu'un adulte de 43 ans. Nos décisions sont prises lors d'un Conseil d'Ecole hebdomadaire et y participer est un droit et non un devoir mais nous avons tout de même un quorum de 5 votants minimum.
L'agenda de ces Conseils d'Ecole est constitué des propositions faites par nos membres lors des 7 jours écoulés. Il n'y a pas de censure.
Une proposition doit être portée au Conseil d'Ecole si sa mise en place impacte le collectif (achat de matériel, modification du règlement intérieur, réaménagement d'espace, etc...).
En terme de modalité de prise de décision, nous sommes en règle générale sur le principe de la majorité absolue (et au 2/3 pour des décisions stratégiques).
La proposition est portée et argumentée par son propriétaire devant les membres présents au Conseil d'Ecole, s'ensuit alors un débat avec la possibilité pour chacun de proposer des amendements.
Le vote s'effectue après 2 lectures pour laisser le temps à chacun de poser le débat et avoir des discussions dans l'informel.
A la 2ème séance sont votés les amendements puis la proposition amendée. "



Par Janick Tilly, sur la prise de décision concernant le changement de nom de la structure Penn Ar Jazz




Par Robert De Quelen, Directeur Général Asianoveo, Coach et consultant interculturel / intelligence collective

https://www.linkedin.com/in/robertdequelen

Une anecdote très parlante

Robert De Quelen donne des cours à l'université de Paris 3 en Intelligence Collective. Dans son agenda de cours , 3 samedis sont déjà pris avec les étudiants et un quatrième doit se caler. Cela contrarie les élèves et il est donc question de changer un cours pour libérer un samedi.
La demande vient des étudiants, ils souhaitent réaménager les horaires. Le professeur prend note de la demande mais informe que le cadre est posé par l'université.

La première chose à soulever concerne la prise de risques, c'est à dire bien faire comprendre à tous que poser la question d'un changement entraîne le risque que la réponse soit négative (d'où l'importance de poser le cadre).

Le professeur, en position de facilitateur, fait un petit sondage sur ce qui pourrait être proposé en terme de changement de jour et d'horaire (c'est le premier tour d'exploration).
Il pose ensuite les règles du jeu :
Toutes les raisons (personnelle ou professionnelle ou familiale ... par exemple : commencer plus tard car envie de respect au lit ou un rendez-vous médical ou entrainement sportif ...) sont équivalentes (on ne compare pas les raisons entre elles).

Reste à choisir la méthode de décision :
sachant que le consensus cherche à mettre tout le monde d'accord donc demande beaucoup de temps, d'écoute de tous les arguments, de digestion des apports de chacun, de re-formulation permettant de trouver "l'objet" qui répondra à toutes les objections qui auraient pu être évoquées, tandis que dans le consentement le choix est un peu fait par défaut, il "suffit" de ne pas avoir de blocage formel. Les personnes ayant peu d'avis ne sont souvent pas bloquantes.
Consensus = tout le monde est POUR
Consentement = personne n'est CONTRE

Dans notre anecdote, le choix s'est porté sur la recherche de consensus : s'en sont suivis des échanges sur le pour / le contre des différentes propositions de changement.
Règle du jeu des tours de table :
  • ne jamais rebondir sur les paroles de chacun
  • temps de parole équivalent pour toutes et tous.
Petit à petit s'est créé de l'écoute, de la bonne entente au sein du groupe.

Afin de finaliser la décision, le professeur a écrit sur le tableau les différentes possibilités afin de centrer l'énergie de chacun vers la solution à trouver
Finalement les étudiants ont abouti à l'unanimité sur l'heure de midi : le cours pouvait se faire dehors dans le cadre d'un pique-nique

Arrive un retardataire qui n'a rien suivi des échanges... "Le groupe a pris une décision : tu arrives en retard donc tant pis". Pour des question d'équité et par respect pour le groupe, on ne recommence pas, sachant que la décision est prise.

Mais la question n'est plus "es tu pour ou contre la décision" mais devient "de quoi as tu besoin pour te sentir confortable avec cette décision prise ?"
l'étudiant a répondu : "si je peux être libre de ce que je mange, je suis d'accord".
et revoilà le groupe dans un consensus. Tout le monde a ainsi pris conscience qu'il fallait veiller aux besoins de chacun

Petits conseils pour une prise de décision réussie


  • inventer des règles et les exprimer clairement
  • donner des consignes variées : plus on donne de consignes précises, plus l'esprit est occupé par les consignes et plus on va droit à l'essentiel. Les consignes deviennent un rituel : être actif physiquement permet aux participants de s'ancrer dans le moment présent.
exemples : bouger les chaises pour les mettre en cercle, donner son prénom, ...
- Impliquer un facilitateur compétent : respectueux du groupe, ayant de bonnes intentions et qui a à coeur de ne laisser personne au bord de la route.



Autres exemples


Le management libéré

" Le management libéré est mis en place dans des entreprises où les salariés sont libres et responsables dʼentreprendre toutes les actions qu'ils estiment les meilleures pour lʼentreprise.
Le principe fondamental dʼune entreprise libérée cʼest lʼAdvice Process. Ce processus intervient dans la prise de décision. Toute personne peut prendre nʼimporte quelle décision pour autant quʼil ait consulté toutes les personnes qui ont de lʼexpertise dans la matière et toutes les personnes qui vont être impactés par la décision. La personne doit alors prendre en compte les avis sans forcément les intégrer. Il doit avoir profondément réfléchi et prendre ensuite une décision "
https://www.youtube.com/watch?time_continue=27&v=ZrAFpPbz7O4

Recrutement au FunLab  : le double contre-exemple de décisions précipitées

Au FunLab , trois décisions dʼembauche mal vécues par lʼéquipe bénévole et par les salariés

En cinq ans dʼactivités, la FUN a embauché trois personnes, dont deux actuellement en poste (juin 2018). Les trois embauches se sont faites dans des conditions qui ont occasionnées des mauvaises perceptions de ces embauches par toute ou partie des administrateurs.

La première embauche a été effectuée un an et demi après la constitution de lʼassociation, et a été basée sur la situation personnelle dʼun bénévole très actif et très présent. Dans une situation financière tendue et pouvant bénéficier des anciens contrats aidés (CAE), il nous a semblé intéressant et peu engageant financièrement de procéder à ce recrutement. Toutefois, lʼexpérience sʼest trouvée être très mal vécue tant par le salarié que par lʼéquipe bénévole. Les bénévoles et le collectifs nʼétaient pas suffisamment installés et ne disposaient pas de suffisamment de temps à consacrer pour accompagner convenablement le salarié dans son poste et dans ses missions. Personne ne sʼétait suffisamment rendu compte des responsabilités et du poids que faisait peser la fonction employeur sur les bénévoles. De son coté, le salarié sʼest naturellement trouvé isolé dans ses missions, ses réussites étaient peu valorisées, ses insuffisances souvent mises en avant par des bénévoles qui attendaient instantanément plus de lui du fait de son changement de statut (bénévole → salarié). Absences et fortes tensions ont marqué cette période. Le poste a été arrêté après un an, les administrateurs et le salarié ayant préféré ne pas renouveler le contrat.
Constat : un collectif trop jeune, des missions trop peu définies, un salarié qui avait besoin de plus de disponibilités que nʼen disposaient les bénévoles.
Trop peu d'échanges sur les missions de la personne embauchée.
Décision prise sans mesurer suffisamment les impacts.

La seconde embauche sʼest faite de manière très différente : lʼactuelle coordinatrice est arrivée en tant que bénévole dans lʼassociation avec une large expérience dans le secteur. Elle sʼest tout de suite déclarée intéressée pour devenir salariée et pour assumer les lourdes rédactions de dossiers de demande de financement. Disposant des compétences nécessaires, et la rédaction des dossiers étant un frein que nous nʼarrivions jusque là pas à lever, cette proposition a été accueillie avec plaisir. Toutefois, une fois les financements obtenus et lʼembauche effectuée, certains administrateurs ne comprenaient pas pourquoi la salariée nʼeffectuait pas certaines missions, alors même que tout était convenu ainsi depuis le départ.
Constat : une partie du collectif pas bien informé des antécédents de création du poste et des missions associées à la coordination.


La troisième et dernière embauche a concernée notre actuel FabMédiateur. Cʼest cette fois un conseiller Pôle Emploi qui a donné un caractère dʼurgence à lʼembauche en mettant en avant une petite fenêtre qui risquait de rapidement se fermer, nous faisant apparemment courir peu de risques financiers liés à lʼembauche. Lʼembauche sʼest alors faite assez rapidement à travers le recrutement d'un bénévole de toujours. Cette fois, la décision ayant été prise en trois semaines et décidée durant un seul Conseil dʼAdministration ne réunissant pas tout le monde, certains administrateurs se sont sentis presque « contraints de dire oui », nʼayant pas le temps dʼy réfléchir et se voyant forcé par les contraintes temporelles liées aux financements. Le poids budgétaire lié à cette embauche a ainsi été trop peu collectivement appréhendé et un certain nombre de ressentiment de lʼéquipe dʼadministrateur se sont fais sentir durant les premiers temps. Le salarié nʼa ici pas été remis en cause, mais cʼest la rapidité qui a posé question.
Constat : décision prise trop rapidement sans réel accord collectif, sous évaluation du poids budgétaire de lʼembauche.

Solutions apportées suite à ces deux expériences

Forts de ces trois expériences de prise de décision plutôt mal vécues par le collectif, nous avons actés des modalités de prise de décision propres aux recrutements :
« Lorsquʼil sʼagit dʼun recrutement, la prise de décision doit sʼétaler au minimum sur un mois et demi et sur trois conseils dʼadministration. Lors du premier Conseil dʼadministration, la volonté de recrutement est partagée à tous et le plan de financement du poste ainsi que la fiche de poste (missions) est travaillée collectivement jusquʼau second CA. Le troisième CA est celui durant lequel se prend la décision dʼouverture dʼun nouveau poste. Les administrateurs disposent ainsi de suffisamment de temps informels entre les réunions pour échanger librement sur cette décision importante.
Une fois le recrutement décidé, le CA reste libre de publier ou non une offre dʼemploi, mais un entretient dʼembauche doit dans tous les cas être mené, avec présence dʼau moins trois membres du CA, si possible des personnes dégagées de tout affect concernant la personne candidate.
Au delà, le CA restera vigilant à disposer des forces vives suffisantes pour remplir convenablement ses obligations en cas de postes devant être accompagnés (contrats dʼinsertion, services civiques,…). Trois administrateurs sont dédiés au suivi des postes salariés et des volontaires en service civique, ils effectuent des point bimensuels avec eux. »